Mon Challenge AZ 2021 : sur la piste des pâtissiers grisons en Belgique et ailleurs…
Quand on explore la petite communauté des pâtissiers-confiseurs grisons émigrés en Belgique, on tombe forcément, à un moment ou à un autre, sur la famille TSCHANDER – ou plutôt sur les veuves TSCHANDER : dans cette famille, par la force des choses, ce sont les femmes qui ont fait tourner la boutique, et visiblement, leurs affaires ont été florissantes.
Les parents TSCHANDER font partie des « pionniers » que j’ai évoqués à la lettre Q, ceux qui sont arrivés bien avant les autres : d’après les registres de population, ils se seraient trouvés à Anvers dès 1798.
Pour resituer brièvement dans le contexte historique, on était alors en pleine « période française », la période qui a suivi la Révolution française durant laquelle les régions qui allaient constituer plus tard la Belgique étaient rattachées à la France. Anvers était alors le chef-lieu du département des Deux-Nèthes…
Mais revenons à nos TSCHANDER :
Lui, André Griety, était originaire de Brail (Zernez), en Engadine ; elle, Christine ZAPPA, était de Casaccia (Bregaglia), également en Engadine.
Leurs trois enfants sont nés à Anvers :
- Michel, en 1808 ;
- André, en 1811 ;
- Catherine, en 1815.
Entre parenthèses, cette dernière a épousé un Néerlandais qui n’était pas du tout pâtissier – preuve que ce n’était peut-être pas si rare, après tout (voir mon article précédent) !
Malheureusement, André TSCHANDER père va décéder en 1818, à l’âge de 47 ans.
À partir de là, c’est Christine ZAPPA, sa veuve, qui va prendre les choses en main. Elle s’occupera de ce commerce pendant 41 ans, d’abord seule pendant plusieurs années, puis avec l’aide de son fils aîné, Michel. Celui-ci deviendra Consul de la Confédération suisse à Anvers en 1856 :

Cette confiserie TSCHANDER va accueillir de très nombreux pâtissiers-confiseurs originaires d’Engadine et du Prättigau.
La page du registre de population ci-dessous nous donne un petit aperçu du monde qui a pu se succéder dans ce commerce :

En 1846-1856, le ménage se composait donc de :
- Christine ZAPPA veuve TSCHANDER ;
- Michel TSCHANDER, son fils aîné, répertorié deux fois ;
- Barbara BUERGNA, de Zuoz, épouse du précédent, décédée en 1853 ;
- Christina Josephina TSCHANDER, leur fille, née en 1851 ;
- Elisa Anna TSCHANDER, leur fille, née et décédée en 1853 ;
- Une demoiselle de magasin native d’Anvers ;
- Cinq servantes originaires de Belgique ;
- Treize pâtissiers confiseurs grisons :
- André BIVRUM, de Brail ;
- Paul BUHLER, de Felsberg ;
- Jean FLURY, de Conters ;
- Antoine BEELI, de Bergün ;
- Jacques FELLER, de Berg ;
- Rudolph BROSI, de Conters ;
- Jacques Ballaster, de S-chanf ;
- Gaspard BOTT, de Fuldera ;
- Jean PARLI, de Zernez ;
- Conrad RISCH, de Conters ;
- Joos Lem (?) MARUGG, de Serneus ;
- Pierre JÄGER, de Peist ;
- Michel ROFFLER, de (?) dans les Grisons.
- Un négociant nommé Nicolas SARATZ, fils de Bernard, pâtissier grison établi auparavant à Anvers ;
- Louise Mayer, épouse du précédent.
Soit vingt-six personnes en tout dans cette « fourmilière » TSCHANDER !
Ce serait intéressant de rechercher où tous ces pâtissiers-confiseurs sont allés après leur passage à Anvers – je pense qu’on devrait les retrouver un peu partout en Europe…
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En 1835, André TSCHANDER fils se trouve à Mons, dans le Hainaut. Il y épouse une certaine Anna BORINGHIERI.
J’ai fait une petite erreur à son sujet quand je l’ai mentionnée à la lettre Q : je pensais qu’elle était Italienne, puisque née à Bologne, en Émilie-Romagne. Mais entretemps, j’ai trouvé que « BORINGHIERI » était une italianisation du nom romanche BUERGNA : Anna était la fille d’Andrea BUERGNA et d’Anna L’Orsa, originaires de Zuoz, en Engadine, et établis à Bologne, en Italie (voir l’ouvrage de Dolf Kaiser).
Comme je l’ai indiqué précédemment, Anna est veuve de Pierre BOSSIO, décédé en 1829, quelques mois après la naissance de leur fille, Anne (cette petite Anne BOSSIO épousera plus tard un pâtissier bordelais nommé Daniel FLOUCH, issu d’une famille engadinoise originaire de Saint-Moritz).
André TSCHANDER fils et Anna BORINGHIERI/BUERGNA s’installent tout d’abord à Mons, où ils vont avoir des jumeaux, Christine et André (3e du nom), en 1836. Malheureusement, la première ne vivra que quelques mois.
La famille quitte ensuite Mons pour s’établir à Bruxelles, 27 rue de la Madeleine, où ils auront encore deux enfants, Christine (1838-1854) et Alfred Lorssa (1839-1839).
C’est chez eux que va résider celui que j’appelle « Jean KLAS senior », l’oncle maternel de mon aaagp ARDÜSER, à son arrivée en Belgique.
Malheureusement, André TSCHANDER décède en 1841, à seulement 30 ans. C’est son frère Michel qui va déclarer le décès, accompagné de notre Jean/Jann KLAS :

Anna BORINGHIERI/BUERGNA, qui était déjà veuve de Pierre BOSSIO, devient la seconde veuve TSCHANDER et, tout comme sa belle-mère avant elle, elle va reprendre les rênes de la pâtisserie et la diriger jusqu’à sa mort, dix-sept ans plus tard.
Là encore, cet établissement sera un lieu de passage important pour les apprentis pâtissiers grisons.
Le registre de population de 1856-1866 nous en donne un petit aperçu :

Le ménage se compose de :
- Anna BORINGHIERI veuve TSCHANDER ;
- André TSCHANDER, son fils, alors étudiant ;
- Trois demoiselles de magasin dont Flore SOUPART, la future Madame KLAS senior ;
- Quatre servantes originaires de Schiers (Grisons), Desteldonk (Gand), Antoing et Lessines (Hainaut) ;
- Huit pâtissiers-confiseurs-chocolatiers dont sept Grisons :
- Christian KLAAS, de Jenaz : arrivé de la rue de Namur n°30, c.-à-d. de chez Georges KLAVADETSCHER ; parti pour Bordeaux en 1857, peut-être chez le couple BOSSIO-FLOUCH que j’ai mentionné plus haut.
- Mathias et Léon TRUOG, de Schiers : arrivés de la rue du Treurenberg n°8, c.-à-d. de chez André MARUGG ; partis pour Liège.
- Pierre KNOPFLI, de Jenaz : parti pour la Prusse en 1857.
- Joseph/Joos BARDILL, de Jenaz : arrivé de la rue de l’Industrie n°41, c.-à-d. de chez Jean KLAS junior ; parti pour Amsterdam, chez Gottlieb LEHMANN, comme on l’a vu.
- Jean Henri MATHIS, de Jenaz.
- Gabriel DENZ, de Coire.
- Jean Jacques DESAN, de Groningue, aux Pays-Bas : arrivé lui aussi de la rue de l’Industrie, chez Jean KLAS junior ; parti également pour Amsterdam.
- Et un commissionnaire, Jean SIMMENS, de Fideris (le même village que mon aaagp ARDÜSER), arrivé du n°105 rue de Louvain, c.-à-d. de chez Jean KLAS de Metz.
Soit dix-huit personnes en tout dans cette deuxième fourmilière TSCHANDER !
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Je ne sais pas vous, mais moi, j’ai la tête qui tourne ! Ça en fait du passage ! Ça en fait des connexions !
La famille TSCHANDER semble réellement incontournable dans cette petite communauté !

Illustrations :
- Image d’en-tête et de fin : partagée par cartespostales sur Geneanet
- Journal de la Belgique : pièces officielles et nouvelles des armées, 04.06.1856, via BelgicaPress
- Registres de population d’Anvers, 1846-1856, via FamilySearch
- Acte de décès d’A. Tschander, 1841, Registres d’État civil de Bruxelles, via FamilySearch
- Registres de population de Bruxelles, 1856-1866, via Archives de Bruxelles
Fourmilière, ou bien pépinière ? 😯
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Très bonne question !
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Les deux listes des ménages dans les registres de population sont impressionnantes !
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Oui, je trouve aussi ! Elles montrent bien que c’est un véritable réseau avec des ouvriers et des apprentis qui allaient d’une pâtisserie grisonne à une autre.
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En lisant tous ces articles et en constatant tous les changements de propriétaires, on se demande si les pâtissiers grisons n’avaient pas créé un groupe de discussion sur les réseaux sociaux pour se passer les informations. On peut bien imaginer qu’il y avait des liens familiaux entre les pâtissiers mais tout de même … c’est incroyable de voir une telle concentration.
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Oui, c’est très impressionnant. On est au-delà des relations familiales, effectivement. C’était un véritable réseau avec des ramifications dans toute l’Europe !
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